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L'ERREUR

Dans toutes les sphères de la société, l’erreur est traquée. Notre représentation est que « moins d’erreur c’est mieux ». J’aimerais interroger cette représentation.

Pourquoi interroger une représentation aussi « évidente» ?

Parce que ces effets sont dévastateurs. Quelle pression ! Que d’efforts ! Combien d’énergie, de tensions, de stress tant individuels que collectifs pour éviter une chose si humaine ! Combien de victimes aussi.

Ici je fais la différence entre deux types d’activités humaines : entre lancer une fusée sur la lune et éduquer un enfant, entre gérer le trafic des trains de banlieues et soigner quelqu’un, entre produire une voiture et gérer un dossier de retraite qui engage des personnes… Ce n’est pas parce que dans certaines activités l’erreur doit être évitée que cela doit être le cas partout.

Pourquoi en sommes-nous arriver à détester systématiquement l’erreur, que cherchons-nous à faire disparaitre ?

Le projet de l’annihilation de l’erreur est favorisé par des engrais…

En premier lieu l’efficacité. Il y a tant de choses pourtant que l’on n’a aucun intérêt à faire efficacement ; une caresse efficace : quel cauchemar ! La rationalité et la norme, si utiles dans certains cas et si réductrices pourtant dans d’autres. Il ne s’agit pas d’exclure, de remplacer la rationalité par la subjectivité ou de jeter l’anathème sur la norme mais d’intégrer, d’accueillir la vie. Il me semble qu’au-delà de l’erreur, nous cherchons à faire disparaitre la faiblesse, la bienveillance, la subjectivité ; peut-être la mort et la maladie qui sont assimilées à des anomalies. Des choses qui ne font pas partie de la norme, du bien, de la perfection.

 Petit à petits les humains porteurs de ces « anomalies » nous dérangent aussi : les faibles, les handicapés, eux … de là à les faire disparaitre … L’histoire du XXe siècle nous a montré combien cette attitude est grave de conséquences (Nazisme, eugénisme raciale durant l’apartheid… ).

 Est-ce si important de changer nos attitudes maintenant ?

Cette attitude continue à faire des milliers de victimes tous les jours. Je liste quelques domaines qui me choquent mais je suis sûr que vous pouvez en ajouter. (Faites-le !) 

Au moment de la naissance même de l’humanité.

Peu de gens interrogent l’eugénisme médical pratiqué avec les tests de grossesse systématiquement proposés sans un espace de réflexion avec les parents pour mesurer les implications du test, sa validité, son influence sur le doute qu’il peut laisser planer. Peut-être aurions-nous besoin d’un discours collectif pour ne pas laisser les futurs parents seuls au moment de vérité. Collectivement nous ne pouvons pas décider à la place des parents et encore moins juger de leur décision mais nous pouvons nous demander pourquoi ces tests sont proposés ? Que cherche-t-on à faire disparaitre ? Que peuvent décider des parents face à un résultat (qui est de type statistique…) positif ? Décident-ils vraiment ?

À l’école et dans tous les lieux de formation. 

En n’accueillant pas les erreurs des apprenants je leur déverse des savoirs sans les prendre en compte. En tant qu’éducateur, en cachant mes erreurs à l’autre,  je limite nos relations et la mise en place d’une d’autorité éducative. Je ne lui montre pas ce puissant chemin d’apprentissage qui est de se tromper ; je ralentis sa croissance.

 Dans nos lieux de travail.

 Comment apprendre un métier sans transmission, sans accompagnement, sans erreur, sans bienveillance de nos pairs ou de nos maitres ?

 Dans la vie de couple. 

Est-ce les erreurs qui les détruisent ? N’est-ce pas plutôt la souffrance que je génère suite aux erreurs de l’autre ?

Le projet collectif d’annihilation de l’erreur est-il compatible avec l’amour inconditionnelle, l’accueil, le sentiment d’avoir une place indiscutable dans ce monde ? 

Comment en sortir ?

Ma proposition est la suivante :

Individuellement, je cherche en moi et autour de moi ce que je n’aime pas ou que je déprécie et je cherche des points de vue qui me permettent de le voir plus positivement.

J’essaie d’accepter mes erreurs et j’en témoigne, à mes enfants, à mes familiers, aux jeunes, à ceux avec qui nous travaillons… Ceci non pas dans le but de me déprécier mais de nous accueillir, nous rencontrer plus complètement.

Le fait d’accueillir l’erreur positivement me permet progressivement de sortir de l’injonction du pardon. L’erreur fait partie de la vie, en commettre n’est pas à priori une faute !

Quelques repères qui m’aident :

L’erreur est une manifestation de vie et de croissance.  Elle est nécessaire et j’ai intérêt à l’accepter. L’erreur est aussi un point de vue, une interprétation qui est contextuelle ; elle peut changer avec le temps.

Si une erreur m’a fait souffrir, au-delà de la douleur et des conséquences directes, est-ce celui qui l’a commise qui est responsable de ma souffrance ?

Quand je change en moi et autour de moi la représentation du statut de l’erreur, je suis dans un projet humaniste qui est à ma portée. Je suis plus fraternel. 

Pierre Cieutat

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