La coopération entre élèves
Connac, S. (2017). La coopération entre élèves. Paris : CANOPE.
Cet ouvrage est étonnant car il permet d’aborder en 120 pages petit format l’essentiel de la vision pédagogique de l’auteur autour de la coopération en classe. Il est facile à garder dans son sac et de s’y référer à loisir. Certes, il semble le prolongement de son premier livre « Apprendre avec les pédagogies coopératives »[1], mais il est différent car il est très synthétique et s’adresse à un public très large de la maternelle à l’université en passant par des formateurs : une référence. On y trouve para ailleurs de nouveaux thèmes (la réciprocité) ou d’anciens qui se peaufinent (le travail en groupe ou la tenue du conseil par exemple).
Dans la première partie l’auteur s’emploie à clarifier l’intention qui prévaut à la mise en place de la coopération entre élèves : permettre aux enseignants de contribuer à bâtir une école de l’excellence pour tous les élèves. « La coopération entre élèves » est alors envisagée comme un moyen pour faire exister cette intention plutôt qu’une fin à réaliser coûte que coûte. De notre point de vue, cette conception de l’auteur augmente fortement l’exigence de cette pédagogie car elle se fixe comme objectif l’apprentissage maximal de chaque élève sans que cela se fasse aux dépends de certains autres. Pour ce faire, il commence par distinguer « coopération entre élèves », collaboration et « techniques coopératives » en nous faisant comprendre (entre les lignes) que ces deux dernières formes ne suffisent pas pour permettre de réaliser l’école de l’excellence qu’il appelle de ses vœux.
Concrètement, cette coopération entre élèves se décline en 4 modalités (l’aide, l’entraide, le tutorat et le travail en groupe) qui sont précisément définies. A noter la distinction fine faite par l’auteur entre « travail de groupe » et « travail en groupe » (p.31)[2] qui éloigne le risque bien connu de la « dérive productiviste ».
Dans une deuxième partie, l’auteur s’attache à expliciter les conditions efficaces de mise en œuvre des modalités où aucun élève ne sait réaliser seule la tâche : l’entraide et le travail en groupe. Après un bref rappel des limites et des intérêts de cette proposition pédagogique, il détaille la mise en œuvre concrète de ce travail en petits groupes dans le moment didactique le plus favorable. Ce détail explore aussi bien des gestes professionnels (la constitution des groupes ou la manière d’organiser un bilan de fin de séance par exemples) que des outils concrets (cartes des fonctions) pour augmenter l’efficience de sa mise en place.
De la même manière, dans la troisième partie, l’auteur s’attelle aux deux modalités où un élève est plus compétent qu’un autre : l’aide et l’entraide. En s’attachant aux limites possibles de cette formes de coopération, il montre comment la formation de tous les élèves permet de créer une organisation de classe gagnant-gagnant pour tous. Il propose des pistes pratiques pour mettre en place cette formation. Il aborde alors les éléments nécessaires à ce que la coopération puisse permettre des moments d’individualisation des apprentissages dans une classe personnalisée[3].
Il s’attarde enfin sur le changement de posture nécessaire de l’enseignant pour que ces relations entre élèves soient productives. Cette posture - qu’il explicite plus longuement dans un autre ouvrage[4] - il la complète en énonçant « douze clés pour accompagner la coopération » (p. 83) aussi bien auprès des élèves, du groupe classe que dans l’équipe pédagogique ou avec les parents.
Enfin, dans la dernière partie, l’auteur aborde des dispositifs de classe complémentaires à l’instauration de la coopération entre élèves pour les apprentissages et l’expérience de la réciprocité. Il aborde la pédagogie de projet, le conseil, le moyen d’aider les élèves à résoudre entre eux leurs petits conflits, les jeux coopératifs et des dispositifs d’échanges de savoirs entre élèves (« les marchés de connaissances »). Cette partie permet d’aborder la classe comme un système. La coopération entre élèves ne peut se résumer à faire appliquer des techniques coopératives par des élèves - mêmes bien formés. L’auteur termine par l’explicitation d’une évaluation construite pour être compatible avec le projet d’une classe permettant l’excellence de tous.
Comme le reste de l’ouvrage, cette partie est truffée de référence à des travaux d’auteurs qui permettent de compléter l’exposé très synthétique du livre. En d’autres termes, la bibliographie est sans conteste une des richesses de l’ouvrage (163 notes de bas de page, une bibliographie que l’éditeur tronque à la 69è entrées en renvoyant à la bibliographie complète sur le site : 103 ouvrages !)
Le lecteur profite de la richesse du parcours de l’auteur qui de la classe est passé à la formation d’enseignants et au monde universitaire des sciences de l’éducation. Je parie que des enseignants, des formateurs et des universitaires pourront trouver profit à la lecture de cet ouvrage : quelle gageure !
La conclusion est en elle-même une synthèse de la vision pédagogique de l’auteur, elle est empreinte d’un enthousiasme éducatif pragmatique annoncé dans la préface de Philippe Meirieu. Une note positive qui finalise une lecture facile, riche et documentée. Elle laisse au lecteur un sentiment de possible pour faire advenir une relation éducative exigeante, ambitieuse et fraternelle.
Pierre Cieutat - 2017
Article paru sur le site des Cahiers pédagogiques. C'est là
[1] : Connac, S. (2010). Apprendre avec les pédagogies coopératives : démarches et outils pour l’école. Issy-les-Moulineaux : ESF éditeur.
[2] Cette distinction permet aussi de mieux comprendre la partie « La place de l’enseignant » p. 81.
[3] Connac, S. (2012). La personnalisation des apprentissages : agir face à l’hétérogénéité, à l’école et au collège. Issy-les-Moulineaux, France : ESF éditeur, impr. 2012.
[4] Connac, S. (2017). La pédagogie du colibri – Enseigner sans exclure. Paris : ESF Editeur.