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« On était bien sans école » ?

À l’heure de réouvrir l’école et ses bruits, arrêtons-nous pour écouter un murmure. Des bruissements qui semblent dire « on était bien sans école », « on a préféré sans école ». Difficile de savoir combien d’élèves, de parents (et d’enseignants) sont concernés par ce chuchotement mais il existe.

Aux détours de conversations sur la pénibilité du confinement, j’ai pu l’entendre. Même s’il est trop tôt pour avoir une vision claire de cet état de fait, je regroupe ces remarques autour de deux axes : le bienêtre à l’école et le travail des élèves à la maison.

Certains enseignants témoignent de leurs surprises concernant l’engagement et la quantité de travail que certains élèves ont fourni en distanciel. Ces derniers ont suivi le cahier de texte numérique, se sont connectés, ont envoyé tous ce qu'on leur demandait alors qu'ils n'étaient pas des élèves assidus en temps normal. Un questionnaire de l’EHESS[1] envoyé à des élèves à propos de ce confinement a permis de relever de nombreux ressentis positifs.

Les élèves ont apprécié de pouvoir poser directement des questions aux enseignants, ils ont apprécié une plus grande autonomie pour s’organiser, certains se sont sentis efficaces. Ils ont apprécié de sentir des enseignants engagés pour les aider, d’avoir une autre relation avec des enseignants. Enfin, certains ont apprécié de ne plus avoir à subir une atmosphère de classe sous tensions, des cours souvent interrompus et des bagarres.

Pour de nombreux élèves l'école est source d'angoisses et de désintérêt ce qui les empêche de travailler et d'être attentif en cours. Ces murmures pourraient nous indiquer des voies à suivre. 

Beaucoup d’enseignants, pendant ce confinement, ont dû repenser le travail exigé de leurs élèves à la maison.  Ils ont dû prendre en compte ce que donnaient les autres profs de la même classe, ils ont dû expliciter plus clairement aux élèves ce qu'ils attendaient. Ils ont dû discuter avec les familles pour comprendre pourquoi certains élèves ne rendaient rien. De mon point de vue, il s'agit d'une avancée. Si l’on s’en donne les moyens, ces gestes pourraient grandement améliorer l’efficacité de ce rituel scolaire.

En outre, pour des élèves à besoins particuliers et leurs familles, ce confinement a fait bouger des lignes. Les familles ont eu accès aux supports de cours, aux exercices et à leurs corrections ; les enseignants ont rempli les emplois du temps numériques. Ces familles réclament cela depuis longtemps pour pouvoir aider leurs enfants à la maison. Cela a été possible pendant le confinement, nous donnerons-nous les moyens de continuer ?

Ces remarques ne veulent pas nier l'inconfort ou la détresse que beaucoup ont vécu. Il veut nourrir une réflexion qui, au-delà de l’évidence de la réouverture des écoles, veut prendre le temps d’écouter ces murmures qui nous invitent à mieux ajuster nos pratiques scolaires aux élèves et à leurs familles.

Pierre Cieutat – Mai 2020

Connac, S., Léon, J.-C., & Zakhartchouk, J.-M. (2020). Construire ensemble l’école d’après. Paris : ESF sciences humaines. p. 25

 

[1] Pascale Hagg, Coronavirus : Regards de l'EHESS https://www.ehess.fr/fr/%C3%A9chos-recherche/coronavirus-regards-lehess

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