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Conseils et réunions en classe : accompagner des projets

Les conseils coopératifs ne sont pas en mesure de traiter l’ensemble des évènements se produisant au sein d’une classe coopérative. Voici la présentation d’un lien entre conseil et réunion, deux institutions permettant l’auto-organisation du travail des élèves. De cette coexistence peuvent naitre des projets d’élèves sous forme d’exposés.

Lorsque le conseil s’installe au sein d’un groupe, il devient vite indispensable et il a tendance à prendre de plus en plus de place car il facilite son fonctionnement. Dans ma classe, le conseil dépassait les 45 minutes et il devenait pénible pour beaucoup d’élèves de suivre avec attention ce qui s’y passait1. Lorsque le conseil est trop long, le risque est grand de contraindre les élèves à rester attentifs et calmes.

J’ai donc « affiné » mon temps de conseil. Aidé par les collègues de l’ICEM 34 lors d’un colloque organisé sur ce sujet2, j’ai réservé le conseil à certaines fonctions et j’ai transféré d’autres usages à des temps collectifs, que j’ai appelées « Réunions ». Ces réunions sont des moments de travail court sans prise de décision. Ils sont donc moins solennels, plus « nerveux », et plus rapides que les conseils.

J’ai progressivement transféré les fonctions cognitives et de gestion de projet à la réunion, ne laissant plus au conseil que la fonction d’émergence collective de projets. Fonction Conseils St Luc

 Les conseils

C’est donc en conseil qu’un élève expose son projet et répond aux premières questions que se posent les autres élèves. Le porteur de projet essaie de répondre et le président du conseil essaie de se rendre compte si la classe peut s’exprimer sur la pertinence du projet ou s’il y a besoin de remettre à plus tard une décision. Dans ce dernier cas, les questions notées par le porteur de projet et son projet seront rediscutées ultérieurement.

Il s’ensuit une « expression d’intérêt » : les élèves lèvent la main si ce projet leur semble intéressant. Si une grande partie de la classe exprime son intérêt, le projet est entériné et il est inscrit sur le plan de travail collectif, accroché sur un des murs de la classe3. Celui-ci est un tableau avec trois colonnes : Qui ? Quoi ? Quand ?

Les élèves concernés inscriront alors le projet dont ils sont responsables sur leurs plans de travail individuels. Ainsi, il devient légitime pour eux de travailler sur cette réalisation pendant les temps de travail en autonomie et l’enseignant représente une aide potentielle. Ce faisant, on permet à tous les élèves, quelques soient leurs compétences, de profiter du travail nécessaire pour terminer leurs projets.

Les réunions

Pour mieux accompagner le projet, notre classe dispose d’une autre institution : la réunion. Elle a lieu deux fois par semaine, dure un quart d’heure, le matin, juste avant la récréation. Pendant cette réunion, le président lit chaque projet inscrit sur le plan de travail mural. Il est demandé alors au responsable du projet de dire où il en est, s’il a besoin de quelque chose et s’il peut donner une date de fin à son projet. C’est à ce moment-là que l’on accompagne les élèves en les relançant, en leur proposant de l’aide, en les aidant à redéfinir ce qu’ils vont faire (le plus souvent pour réduire la portée de leur travail). C’est aussi à ce moment que peuvent être abordés les frottements inhérents à des projets menés par plusieurs élèves. Il peut être décidé de rompre la collaboration ou de changer de groupe de travail. Ici la notion de tutorat est très importante ; c’est souvent à ce moment-là que des « grands » ou des élèves qui ont déjà réalisé un projet similaire vont proposer leur aide. Il se crée alors des binômes où le porteur de projet n’est pas obligatoirement le plus compétent. Ce qui est alors demandé au tuteur n’est pas d’arriver à un chef-d’œuvre mais bien que le projet se termine dans un standard de qualité acceptable.

C’est enfin le lieu qui permet de régler le problème des abandons « invisibles » qui, au fur et à mesure qu’ils se produisent, mettent en péril cette dynamique de projets dans la classe. En effet, toutes les semaines, il est demandé à chaque auteur de projet d’expliquer à tout le monde où il en est. S’il veut abandonner, il explique pourquoi et des propositions d’aide lui sont faites. Si, et c’est très rare, l’abandon est la seule attitude raisonnable, le projet est effacé du tableau. La règle est que l’on ne peut abandonner plus d’une fois. Si cela se produit, il ne peut plus être porteur de projet ; il pourra tout de même s’associer à d’autres.

Les exposés en cycle trois : un processus en 5 étapes

Schéma 5 etapes

 Première étape : la classe montre un intérêt pour le projet

Lorsqu’un élève veut réaliser un exposé, il doit proposer le sujet au conseil. Les autres élèves de la classe lui posent alors quelques questions uniquement dans le but de comprendre de quoi il s’agit. Puis, le président demande à la classe de marquer son intérêt pour le sujet de cet exposé - ceci a pour but d’éviter au groupe d’avoir des exposés répétitifs et redondants4. Quand la majorité des élèves marque un intérêt, nous considérons le projet comme entériné. Il est alors inscrit sur le plan de travail mural et son auteur peut l’écrire sur son plan de travail.

Pour autant, le travail de construction du projet n’est pas terminé. Nous pouvons dire qu’à ce stade, l’intention de l’auteur est clarifiée mais cela ne prend pas en compte complètement le fait que cet exposé est une communication vers la classe.

Deuxième étape : discussion avec l’enseignant

Lors d’un moment de travail individualisé, l’élève cherche des documents qui lui permettront de réaliser son exposé. Il vient les présenter à l’enseignant ; une discussion s’engage autour de l’intention de communication qui sous-tend ce projet. L’enseignant, si possible, donne alors l’autorisation à l’élève de se faire aider par la classe.

Troisième étape : questions de la classe

Lors de la réunion suivante, l’élève demande à la classe si elle a des questions concernant le sujet de l’exposé. Le président de réunion distribue la parole et un secrétaire ou l’enseignant tape les questions des élèves. Ce document sera remis aux porteurs de projets qui essayeront de répondre à ces questions avec les ressources documents qu’ils ont préalablement collectées. Ces réponses seront parties prenantes de l’exposé et permettent à l’élève de se décentrer de son intention initiale. Elles permettent aussi une plus grande attention de la classe car des questions que certains se posent seront traitées lors de l’exposé.

Quatrième étape : réalisation de l’exposé

L’élève, ou le petit groupe, construit leur exposé. Si cela prend trop de temps, le sujet sera abordé lors de la réunion puisqu’à plusieurs reprises la classe peut remarquer que l’exposé n’avance pas. Il y aura des propositions d’aide ou de redéfinition du projet.

Cinquième étape : présentation de l’exposé

Cette procédure s’est mise en place progressivement. Chaque détail ou nouveauté a voulu répondre à des difficultés qui étaient présentes dans la classe. Certaines solutions sont venues de l’enseignant, qui lui-même a posé des questions à d’autres enseignants pour savoir comment ils faisaient. D’autres sont venues des élèves, en conseil ou en réunion, et ont été entérinées par l’expérience.

Années après années, elle a grandement augmenté l’efficacité des élèves et a permis une dynamique d’émergence de projets qui venait compléter le travail scolaire lié directement aux programmes. Durant l’année scolaire 2015-2016, plus d’une centaine d’exposés ont été présentés à la classe sur énormément de sujets.

Pierre Cieutat – 2018

Article paru dans le livret « C’est quoi le conseil ? » Edition ICEM34


1 : La première étape a consisté à limiter la résolution de conflits interpersonnels lors des conseils. (cf l’article : « Pour que le conseil ne soit pas un tribunal » sur le site de l’ICEM34)

2 : http://www.icem34.fr/ressources/colloque-pratiques-cooperatives/le-conseil-avril-2014

3 : Bien entendu, l'enseignant peut ici user de son droit de veto, en tout cas demander à ce que le projet soit reprécisé pour qu'il soit compatible avec l'école et réalisable sur du temps de classe.

4 : J'ai subi, en classe, des exposés longs sur les mêmes éternels sujets que sont les dauphins, les chevaux, le club de l'OM ou un chanteur à la mode.

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